L'arcane sans nom by Pierre BORDAGE

L'arcane sans nom by Pierre BORDAGE

Auteur:Pierre BORDAGE
La langue: fra
Format: epub
ISBN: EPUB9782353060566-35342
Éditeur: Editions La Branche
Publié: 2011-10-15T00:00:00+00:00


Les coups pleuvaient sans interruption depuis une éternité. Recroquevillé sur lui-même, Sahil protégeait de son mieux ses parties vitales. Les deux hommes l’avaient entraîné dans un recoin contre le mur d’enceinte, fouillé, et lui avaient pris son pistolet ainsi que le paquet de cigarettes et le briquet donnés par Djidjo. Ils l’avaient possédé : ils ne disposaient pas d’armes, mais de simples morceaux de bois. Ils avaient récupéré sur lui ce qui leur manquait, un pistolet. Cueilli par surprise, il n’avait même pas songé à se demander où ils avaient bien pu récupérer leurs pistolets. Il aurait dû se douter que ces types n’étaient pas du genre à se présenter devant leurs employeurs ou leurs pairs pour quémander des fringues et des flingues de rechange, qu’ils se débrouilleraient par eux-mêmes pour rattraper leur erreur.

Comment avaient-ils pu le retrouver aussi rapidement ? Une réponse émergea du fouillis de ses pensées : Ten l’avait aperçu dans le cimetière et les avaient prévenus. Ils ne disposaient plus de leurs téléphones portables, pourtant. Il regretta de les avoir donnés à Djidjo : ils avaient très bien pu la repérer et la rattraper grâce aux applications qui permettaient de localiser instantanément les portables perdus ou volés. Qu’était devenue la petite Rom ?

Le brun lui avait décoché un violent coup de poing dans le plexus solaire qui l’avait coupé en deux.

« Espèce de petit enculé, c’est nous qui allons te foutre à poil maintenant !

— Tu seras pas beau à voir quand on en aura fini avec toi ! » avait renchéri le deuxième.

Ils parlaient avec un léger accent. Une pensée ironique, incongrue, l’effleura : ils avaient, comme lui, du mal à prononcer les r à la française.

Ils lui avaient arraché sa veste, déchiré sa chemise, et lui avaient ordonné de retirer ses chaussures, son pantalon, son caleçon et ses chaussettes. Comme il n’obtempérait pas assez rapidement, ils l’avaient frappé de la pointe de leurs chaussures pour le contraindre à s’exécuter. Il n’avait pas eu le choix, luttant de toutes ses forces contre le sentiment de vulnérabilité qui s’emparait de lui et le rendait aussi faible qu’un agneau. Une fois nu, il avait frissonné malgré la chaleur moite. Le vent avait décroché des gouttes de pluie des frondaisons qui le surplombaient. Il avait compris que la mort, après l’avoir longtemps épargné, avait fini par lui mettre le grappin dessus, que sa route s’arrêtait là, à des milliers de kilomètres de son pays. Les ténèbres tendaient un gigantesque linceul au-dessus de lui.

Les deux hommes s’interrompaient de temps à autre pour fumer une cigarette et échanger quelques mots dans leur langue à la fois musicale et gutturale. La douleur empêchait Sahil de respirer. Il avait l’impression d’avoir effectué un séjour prolongé dans une machine à concasser les céréales. Le goût du sang, qui dégoulinait des commissures de ses lèvres, lui emplissait la bouche et la gorge. Des rigoles chaudes et légères comme des songes coulaient le long de son menton et de son cou. Il ne souhaitait qu’une chose désormais : qu’ils en terminent avec lui.



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